Noms et raisons sociales au fil du temps
- Guébourg, Poulet et CieRaison SocialePériode : vers 1876 - 1877
1876 correspond à peu près au moment où la verrerie "Guébourg, Poulet et Cie", qui était avant cela située à La Brûlante, hameau de la Ricamarie, déménage au 11 rue Tréfilerie, à Saint-Étienne. Peu après, le 1er janvier 1877, la société est dissoute et Guébourg reprend seul l'activité rue Tréfilerie. Apparemment, l'usine de La Ricamarie a continué d'être exploitée quelques années par l'ancien associé Poulet.
- Guébourg et CieRaison SocialePériode : 1877-1881
- Verrerie GuébourgNom d'UsagePériode : 1877-1897
Même après la faillite de Zéphirin Guébourg, la verrerie a continué à porter son nom.
- Société anonyme des Verreries et Cristalleries de la Seine et de la LoireRaison SocialePériode : 1881-1882
Une société au nom pompeux mais à la durée de vie très courte. Elle regroupait un commerce de verreries à Paris et l'usine de Zéphirin Guébourg.
- Verrerie StéphanoiseRaison SocialePériode : 1891-1897
Il s'agit de la période de la verrerie coopérative, avant son déménagement pour Vénissieux.
Histoire
Au cœur du XIXe siècle industriel, dans les fumées et la chaleur de Saint-Étienne, s'est écrite une histoire fascinante : celle de la Verrerie de la rue Tréfilerie. Plus qu'une simple entreprise, cette verrerie incarne l'aventure industrielle de son époque, avec ses ambitions démesurées, ses échecs retentissants, et surtout, ses hommes et femmes qui ont façonné son destin. Cette saga, reconstituée grâce aux archives et aux témoignages de presse, révèle les rouages complexes d'une industrie en mutation et les destins humains qui s'y entremêlent.
Des braises de La Ricamarie aux feux de Saint-Étienne (1863-1876)
L'histoire commence non pas à Saint-Étienne, mais dans le bassin houiller de La Ricamarie, plus exactement au lieu de La Brûlante, où la Société Brûlé et Cie voit le jour le 16 février 1863 [1]. Cette première association réunit des fabricants verriers expérimentés : Alphonse Festor, Jules Brûlé fils, François-Jules Brûlé, Delphin-Zéphirin Guébourg et Auguste Poulet.
Rapidement, les cartes se redistribuent. En 1867, une nouvelle entité naît : "Guébourg, Poulet et Cie", qui exploite toujours la verrerie Landrin à La Brûlante [2]. Mais l'événement décisif survient peu après : le transfert de l'activité vers Saint-Étienne, au 11 rue Tréfilerie [3]. Ce déménagement n'est pas anodin dans une ville qui vibre au rythme de la Révolution industrielle, offrant un bassin de main-d'œuvre qualifiée et des infrastructures de transport modernes essentielles pour l'acheminement des matières premières (sable, soude, charbon) et l'expédition des produits finis.
Le choix de la rue Tréfilerie s'inscrit dans une logique industrielle précise. Cette artère, dont le nom évoque déjà le travail du métal, se situe dans un quartier marqué par l'industrie. La proximité de la rivière Furens (ou Furan aujourd'hui) offrait des avantages considérables pour les besoins industriels, tandis que l'emplacement permettait un accès direct au marché urbain stéphanois en pleine expansion.
L'ascension et les premières tensions : l'ère Guébourg (1877-1881)
En 1877, Zéphirin Guébourg prend les rênes seul de l'entreprise sous la raison sociale "Guébourg et Cie". Originaire de Bligny dans l'Aube et issu d'une famille de verriers, il incarne l'ambition d'un homme du métier porteur d'un héritage et d'un savoir-faire ancestral [4].
Mais les tensions sociales se manifestent rapidement, révélant les contradictions de l'époque. En octobre 1878, une grève éclate chez Guébourg et Cie. Les ouvriers, qui réclamaient de meilleures conditions, essuient un échec cuisant : non seulement ils ne parviennent pas à faire aboutir leurs revendications, mais ils perdent même l'indemnité de logement traditionnellement versée par les patrons verriers [5]. Cet épisode illustre parfaitement le déséquilibre des rapports de force entre capital et travail dans le Saint-Étienne industriel de l'époque.
Cette grève précoce témoigne des conditions de travail particulièrement éprouvantes dans les verreries. La chaleur écrasante des fours de fusion, maintenus à des températures très élevées, les longues journées de labeur, les risques permanents de brûlures et de coupures, ainsi que les affections respiratoires liées aux poussières et aux fumées constituaient le quotidien des verriers.
L'aventure capitaliste avortée : la Société Anonyme des Verreries et Cristalleries (1881-1882)
Une ambition à la mesure du siècle
L'année 1881 marque un tournant spectaculaire avec la création de la "Société anonyme des Verreries et Cristalleries de la Seine et de la Loire", dotée d'un capital assez considérable de 850 000 francs - une somme colossale pour une verrerie, à l'époque [6]. Cette société ambitieuse réunit trois personnalités aux profils complémentaires : Maurice Sautter, négociant en verrerie établi à Paris ; Zéphirin Guébourg, le fabricant stéphanois ; et Jean-Victor-Christophe-Frédérick Herdt, dit John Herdt, négociant parisien.
L'objet de cette société révèle des ambitions démesurées : exploiter la maison de commerce de Sautter à Paris, l'usine de Guébourg à Saint-Étienne, acquérir ou créer d'autres usines, et commercialiser tout ce qui se rapporte à la verrerie et à la cristallerie [6]. Le siège social, établi à Paris chez M. Sautter, témoigne d'une volonté d'intégration verticale entre production provinciale et commercialisation parisienne.
Un outil de production impressionnant
L'apport de Guébourg à cette nouvelle structure révèle l'ampleur remarquable de l'installation stéphanoise. L'usine du 11 rue Tréfilerie, située à l'angle de l'Impasse Mallet, s'étend sur environ 3000 mètres carrés et comprend un ensemble industriel complet [6] :
- Une maison d'habitation pour le maître : résidence du dirigeant, symbole de la hiérarchie sociale
- Une grande maison d'habitation de trois étages pour les ouvriers : témoignage de la pratique paternaliste de logement de la main-d'œuvre
- Un bâtiment pour le concierge : gardiennage et surveillance du site
- Une halle aux fours : cœur de la production verrière
- Des magasins : stockage des matières premières et des produits finis
- Une poterie avec son matériel et ses creusets : fabrication des récipients réfractaires indispensables
- Des écuries : transport hippomobile des marchandises
- Un bureau avec bascule : administration et pesage
- Une cheminée avec générateur et moteur à vapeur : modernisation énergétique
- Une taillerie et une forge avec leur outillage : finition et maintenance
- Une salle pour les moules : production en série d'articles standardisés
Cette description détaillée, issue des statuts de la société, offre un aperçu saisissant de la complexité et de la modernité relative de l'outil de production pour l'époque.
L'expansion contrariée
La nouvelle société, dirigée par M. Herdt, dépose rapidement une demande d'autorisation pour augmenter sa capacité avec deux nouveaux fours à gobeletterie, spécialité de l'établissement stéphanois [7]. Une enquête administrative s'ouvre le 1er juin 1881, mais cette ambition se heurte rapidement à des obstacles bureaucratiques, notamment des conditions non remplies concernant la hauteur de la cheminée, comme le rappelle un conseiller municipal en mai 1882 [8] :
(…) M. Goudefer rappelle qu’il a dit dans une précédente séance que les conditions imposées à la verrerie Guébourg n’avaient pas été remplies [apparemment cela concernait la hauteur de la cheminée].
L'effondrement vertigineux
Malgré un capital social important et des projets d'expansion ambitieux, la "Société anonyme des Verreries et Cristalleries de la Seine et de la Loire" s'effondre avec une rapidité déconcertante. Dès le 14 septembre 1882, le Gil Blas annonce la mise en liquidation du fonds de commerce parisien de la rue Saint-Sabin [9].
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette débâcle spectaculaire :
- Surcapitalisation apparente : le capital affiché n'était peut-être pas entièrement libéré
- Complexité de gestion : l'intégration d'une activité stéphanoise avec une maison parisienne sous direction parisienne a pu engendrer des coûts imprévus
- Mauvaise gestion des flux : les investissements hasardeux ont probablement englouti rapidement la trésorerie
- Décalage entre ambitions et réalité : la dénomination "pompeuse" traduisait peut-être un décalage entre aspirations et solidité financière
Premier moment charnière : la vente aux enchères de décembre 1882
La liquidation judiciaire
La chute de l'établissement stéphanois suit de près celle de Paris. Le Soir du 14 décembre 1882 [10], ainsi que le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire du même jour, publient l'annonce de la vente aux enchères des actifs stéphanois. Le Républicain de la Loire du 26 décembre 1882 précise les détails de cette liquidation dramatique [11].
Une géographie industrielle révélée
La vente révèle une organisation spatiale précise de l'établissement :
- Au 11 rue Tréfilerie : une maison sur caves, rez-de-chaussée et trois étages, mise à prix à 20 000 francs [11]
- Au 9 rue Tréfilerie : une usine servant à la fabrication de la verrerie, mise à prix à 50 000 francs [11], avec machine à vapeur, chaudière, forge, soufflet, étaux, tours à polir le verre et à boucher, etc.
Cette distinction entre les numéros 11 (habitation) et 9 (production) révèle la structuration physique et économique du site. Les évaluations respectives témoignent de la valeur considérable de l'outil de production par rapport aux bâtiments d'habitation.
Un témoignage archéologique
Ces annonces de vente fonctionnent comme de véritables "procès-verbaux archéologiques", fixant l'état matériel de l'entreprise à un moment de crise [11]. Elles permettent de reconstituer la réalité matérielle de l'entreprise, révélant l'ampleur des investissements consentis et la modernité relative de l'installation.
Résilience et ténacité : l'épopée Mangeol-Louis (1884-1890)
Charles Mangeol : un verrier de métier
Après la débâcle de Guébourg, Charles Mangeol, verrier originaire de Besseyres en Haute-Loire, reprend l'exploitation vers 1884. Il apporte son expérience du métier, mais son passage est de courte durée. Il décède le 2 octobre 1886, à l'âge de 61 ans, au 15 rue Tréfilerie [12].
Le recensement de 1886 révèle la composition de la famille Mangeol : Charles "Manijol", son épouse Jeanne Louis (54 ans), et leurs deux fils, Louis (24 ans, verrier) et Armand (18 ans, sans profession) [13]. Cette adresse (n°15) diffère de celles de l'usine (n°9) et de la maison principale (n°11), indiquant une résidence de proximité sans occupation directe des locaux industriels.
Jeanne Louis : une femme de caractère
Au décès de son mari, Jeanne Louis, née à Tence (Haute-Loire), prend courageusement les rênes de l'entreprise. Dans un XIXe siècle où l'industrie est majoritairement masculine, cette prise de responsabilité mérite d'être soulignée. Elle témoigne d'une force de caractère exceptionnelle et probablement d'une implication antérieure dans les affaires de son époux.
Devenue "maîtresse de verrerie", Jeanne Louis s'efforce de maintenir l'activité. Elle dépose une demande d'autorisation le 29 janvier 1889 pour transférer l'établissement du 15 vers le 11 rue Tréfilerie [14], ramenant ainsi le centre opérationnel au cœur du site historique de Guébourg. Cette démarche témoigne de sa volonté d'optimiser l'organisation, peut-être de rationaliser l'exploitation et surtout de ne pas renoncer à l'exploitation de l'établissement.
Second moment charnière : la vente aux enchères de juin 1890
Une nouvelle liquidation
Malgré la ténacité de Jeanne Louis, les difficultés économiques persistent. Le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire du 1er juin 1890 annonce la liquidation de la fabrique et la vente aux enchères de la verrerie, située au 9 rue Tréfilerie où elle résidait, pour le mardi 10 juin 1890 [15], et le lendemain pour le matériel et le mobilier. La mise à prix est très faible, seulement 4 000 francs !
Un inventaire révélateur
Cette seconde vente aux enchères offre un aperçu précieux de la production et de l'outillage de l'époque. Les biens mis en vente comprennent [15] :
- Flacons, poudriers : production de contenants pour parfums, médicaments, ou autres liquides
- Verres, carafes : articles de table et de service
- Encriers, lampes, chopinettes, flasques, bonbonnières, etc.
- Outillage : four complet et ses outils, bascule, tombereau, camion, char-à-bras, etc. ainsi que creusets, cannes, sabots, et moules (probablement en fonte, technologie courante pour la production en série)
- Matériaux : stocks de matières premières (sable, sulfate de soude, carbonate de chaux, manganèse, antimoine, minium, sel de nitre, etc.)
Cette énumération confirme une spécialisation dans la gobeletterie et le flaconnage, articles de consommation courante bénéficiant d'un accès direct au marché urbain. Cela confirme qu'à cette époque, les verreries de taille modeste ne peuvent plus lutter depuis longtemps face aux grandes verreries industrielles, sur les produits les plus commun, bouteilles notamment.
La destinée personnelle
La vie personnelle se mêle aux tourments financiers : en avril 1890, Auguste Mangeol, verrier et probable fils de Charles et Jeanne, résidant au 9 rue Tréfilerie, se marie [16]. Cela montre que la vie et le travail continuaient jusqu'aux derniers instants de l'entreprise.
Le destin de Jeanne Louis après cette faillite est poignant. Elle décède le 30 novembre 1897, à l'âge de 66 ans. L'ancienne "maître de verrerie" exerce alors la profession de "ménagère" et réside au 9 rue de l'Industrie [17], une trajectoire qui illustre tragiquement la précarité de sa situation après la perte de son entreprise.
Les visages ouvriers : une humanité au travail
Jean Claude Haour : un parcours emblématique
Derrière les chiffres et les bilans, des hommes donnent vie à cette aventure industrielle. Jean Claude Haour, verrier né à Givors et résidant au 13 rue Tréfilerie, veuf, épouse une Stéphanoise le 10 décembre 1888 [1]. Il a très probablement travaillé pour la veuve Mangeol entre 1888 et 1890. Son départ de Saint-Étienne, vraisemblablement après la liquidation de 1890, est attesté par sa présence à Épinac (Saône-et-Loire), un autre centre verrier, en mai 1892, au moment où il décède [1].
Son histoire illustre parfaitement la mobilité géographique d'une main-d'œuvre industrielle qualifiée, contrainte de suivre les ouvertures et fermetures d'usines dans un secteur particulièrement instable.
Félix Bollin : l'art du tailleur de verre
Félix Bollin, tailleur de verre de 40 ans, est recensé au 9 rue Tréfilerie en 1886 [1], directement sur le lieu de production alors dirigé par Charles Mangeol. Sa présence sur le site même, contrairement à Haour qui logeait un peu plus loin, pourrait indiquer une position différente dans la hiérarchie ouvrière ou simplement des arrangements de logement variés.
Le travail du tailleur de verre exigeait une grande habileté technique pour la finition des pièces, leur décoration et leur polissage. Cette spécialisation témoigne de la diversité des métiers au sein de la verrerie.
L'organisation du travail verrier
La main-d'œuvre d'une verrerie était hiérarchisée et spécialisée : maîtres verriers, souffleurs de verre, grands garçons, gamins, tailleurs, potiers pour les creusets, chauffeurs des fours [1]. Le travail du verre était un art du feu exigeant une grande habileté, une coordination parfaite au sein des équipes (organisées en "places" autour des fours) et une résistance physique considérable [1].
Les techniques, comme le soufflage à la canne, le maillochage (préparation de la paraison), ou l'utilisation de moules, se transmettaient souvent de génération en génération, parfois au sein des mêmes familles [1].
L'expérience coopérative : une aube nouvelle (1891-1897)
La naissance de la Verrerie Coopérative Stéphanoise
Suite à la liquidation de l'entreprise de Jeanne Louis en juin 1890, les locaux du 9 rue Tréfilerie ne restent pas inactifs longtemps. Une "Verrerie Stéphanoise", organisée sous forme coopérative par les ouvriers eux-mêmes, s'y installe. La "première fonte" de cette nouvelle entité a lieu le 1er août 1891 [1].
L'idéal coopératif dans un monde capitaliste
Cette initiative stéphanoise s'inscrit dans un mouvement plus large qui traverse la France à la fin du XIXe siècle. Face aux crises du capitalisme industriel et aux conditions de travail souvent difficiles, l'idée coopérative gagne du terrain au sein du mouvement ouvrier. En 1890, on dénombrait plus de 200 sociétés coopératives de production en France, souvent impulsées par des militants syndicalistes. En 1894, une année de grèves de grande ampleur, leur nombre approchait les 250, regroupant plus de 12 000 travailleurs associés [1].
L'exemple le plus célèbre dans le secteur verrier est celui de la Verrerie Ouvrière d'Albi (VOA), fondée en 1896 suite aux grandes grèves des verriers de Carmaux, et soutenue par des figures comme Jean Jaurès [1].
Une production spécialisée
La production de la coopérative se concentre exclusivement sur la "gobeleterie et la flaconnerie" [1], des articles qui correspondaient aux spécialités et à l'outillage existants. Cette continuité témoigne de la maîtrise technique des ouvriers et de leur capacité à reprendre en main l'outil de production.
Pour les ouvriers de la rue Tréfilerie, qui avaient connu l'instabilité des entreprises privées successives, la coopérative représentait une tentative de reprendre en main leur destin, de s'assurer un emploi plus stable et de partager plus justement les fruits de leur labeur.
Le déménagement stratégique vers Vénissieux
L'aventure coopérative stéphanoise rue Tréfilerie sera cependant de durée limitée sur ce site. Dès avril 1897, la verrerie est de nouveau mise en location, car la Verrerie Stéphanoise a "déménagé dans de plus vastes locaux, à Vénissieux" [1].
Les recherches confirment qu'une "Verrerie de Vénissieux - Société ouvrière" a été fondée en 1897 par un certain M. Bernard, située rue de l'Industrie et rue de la verrerie à Vénissieux [1]. Ce déménagement vers la banlieue lyonnaise témoigne d'une ambition de croissance et de modernisation, le site de la rue Tréfilerie étant devenu trop exigu et les moyens de production, obsolètes.
Du verre au savoir : la métamorphose du site
La fin définitive de l'activité verrière
Avec le départ de la coopérative pour Vénissieux, le destin de la verrerie en tant que lieu de production rue Tréfilerie est scellé. Après avril 1897, l'établissement ne sera plus jamais exploité comme verrerie [1]. C'est la fin définitive de trois décennies d'activité verrière sur ce site stéphanois.
L'héritage de Vénissieux
À Vénissieux, l'aventure coopérative, héritière de l'initiative stéphanoise, s'inscrit dans la durée de façon remarquable. La Verrerie de Vénissieux fonctionne sous le statut de SCOP (Société Coopérative de Production) et emploie encore une soixantaine d'ouvriers en 1965. Son activité ne cessera que le 25 décembre 1984, après presque un siècle d'existence [1].
La transformation urbaine
À Saint-Étienne, le terrain occupé par l'ancienne verrerie et la caserne Rullière voisine connaît une transformation radicale. La caserne, construite entre 1846 et 1855, est démolie en 1970 [1]. Dès 1969, sur ces terrains libérés en centre-ville, commence la construction du Campus Tréfilerie de l'Université Jean Monnet, destiné initialement à accueillir les facultés de Lettres et de Droit [1].
Cette mutation d'un site de production industrielle en lieu d'enseignement supérieur est emblématique des transformations urbaines qu'ont connues de nombreuses villes industrielles au XXe siècle. Les fours se sont tus, les halles ont disparu, mais le lieu a conservé une fonction "productive", passant du travail manuel à la production intellectuelle.
Un héritage vivant dans les archives
La mémoire documentaire
L'histoire de la Verrerie de la rue Tréfilerie survit principalement à travers les documents. Le travail minutieux de recherche, les articles de journaux d'époque comme le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire et Le Républicain de la Loire, les registres d'état civil et les recensements sont autant de fragments qui, assemblés, permettent de reconstituer son parcours [1].
Les procès-verbaux des ventes et les annonces de liquidation se révèlent être des sources "archéologiques" inestimables, fixant l'état matériel de l'entreprise à des moments charnières de son existence.
Une leçon d'histoire industrielle
L'odyssée de la Verrerie Stéphanoise résume en quelques décennies les cycles d'ambition et de précarité qui ont caractérisé l'industrie du XIXe siècle. Des initiatives de Guébourg aux tentatives coopératives ouvrières, en passant par la ténacité de Jeanne Louis, cette histoire illustre la vitalité et la fragilité de l'industrie verrière stéphanoise.
Les liquidations successives mettent en lumière l'extrême vulnérabilité des petites et moyennes entreprises industrielles, confrontées aux fluctuations des marchés, à une concurrence féroce, et à une sous-capitalisation chronique. Même une forte personnalité comme celle de Jeanne Louis ne suffisait pas toujours à surmonter ces obstacles structurels.
Conclusion : une saga exemplaire
Cette saga ardente, sauvée de l'oubli par le patient travail des archives, continue de nous instruire sur les dynamiques industrielles, sociales et humaines qui ont façonné notre présent. Elle rappelle que derrière chaque entreprise se cachent des destins individuels, des espoirs et des luttes qui donnent tout son sens à l'aventure industrielle.
La Verrerie de la rue Tréfilerie est une pièce du vaste puzzle de l'histoire industrielle stéphanoise. Son récit, celui d'un artisanat spécifique confronté aux défis de l'industrialisation, de la concurrence et des crises économiques, enrichit notre compréhension de l'identité d'une ville façonnée par le travail et l'innovation.
La transformation finale de son emplacement en un lieu de savoir constitue une conclusion poignante : là où s'élevaient autrefois les fours et où résonnait le souffle des verriers, se forment aujourd'hui les esprits de nouvelles générations. Le nom même du "Campus Tréfilerie" constitue un écho, peut-être involontaire pour beaucoup, du passé industriel de la rue.
Cette reconstruction minutieuse démontre la richesse insoupçonnée des archives locales et prouve que ces récits spécifiques, ancrés dans un territoire et une époque, peuvent éclairer des processus historiques plus larges et préserver la mémoire vivante des communautés qui ont forgé notre présent.
Personnalités Clés
Delphin Zéphirin Guébourg (1830 - 1883)
Charles Mangeol (1825 - 1886)
Jeanne Louis (1831 - 1897)
Verriers Associés
Jean Claude Haour (1852 - 1892)
Galerie d'Images
Saint-Étienne - Le Furan à la Chaléassière
Saint-Étienne - Rue d'Annonay (1905)
Verrerie Guébourg (parcelles 1 à 9), extrait du cadastre 1858-1863 de Saint-Étienne (Sud-Est,Section G1 Valbenoite)
Sources
- Source non titrée